Hausse historique de la pâte à papier : avis de tempête sur la ouate
Le prix de la pâte à papier vierge vient de connaître une hausse de 20% au cours des derniers mois. Une situation due à la parité euro/dollar et qui ne devrait pas évoluer favorablement à court terme. Une hausse du prix des produits d’essuyage semble inévitable, même si chacun s’emploie encore à entretenir un silence assourdissant sur la question.
Le marché de la pâte à papier vierge, qui se négocie en dollars, et repose sur quelques grands opérateurs mondiaux en situation monopolistique, vient de connaître ces derniers mois une flambée des prix de plus de 20%. Une situation durable compte tenu de l’évolution de la parité euro/dollar qui inquiète les papetiers et devrait aussi toucher, à terme, les distributeurs. Cependant de l’avis de tous, fabricants comme distributeurs la situation est compliquée et très sensible. Dans le secteur de l’hygiène professionnelle la ouate représente un segment essentiel et stratégique pour beaucoup de distributeurs. La course aux prix bas, parfois aux dépends de la qualité offerte, n’est guère propice à renégociation des prix en cours d’années. Les papetiers le savent. Cette « veillée d’armes », où chacun attend que l’autre se dévoile et communique sur une augmentation des tarifs auprès de la distribution, promet de toute façon de déboucher sur quelques batailles difficiles. Les industriels ne sont pas prêts –ni en mesure pour beaucoup d’entre eux- de supporter seul cette hausse. Aux distributeurs donc de raboter un peu leurs marges ou de répercuter sur leurs clients finaux une part de cette flambée du prix de la matière première. Il n’est pas sûr cependant qu’un accord soit trouvé facilement. « Il y a autant de contrats que de clients et les distributeurs paient déjà l’addition pour leurs imports venus d’Asie. Je ne les sens pas prêts à se mettre autour de la table. Ils sont d’une certaine façon en position de force et nous avons assez peu de leviers pour les faire changer d’avis… » se désole un industriel. De leur coté les distributeurs mettent en avant les discussions toujours plus difficiles avec leurs clients qui considèrent la ouate avant tout comme un consommable à négocier au plus bas prix. « La plupart des papetiers transforment en France et le coût de la hausse des matières premières même si il est bien réel peut-être en grande partie absorbé au niveau de la production » répond en écho un distributeur. Des positions qui laissent peu d’espoir de trouver un terrain d’entente, du moins à court terme.
Dominique Bellaton, Directeur commercial, groupe Global Hygiène
« Pour nous les produits fabriqués à partir de pure pâte représentent la moitié de notre production. Pour absorber cette hausse du prix de la matière première de façon acceptable il faudrait répercuter entre 6 et 8% d’augmentation, selon les produits, à nos clients distributeurs. Il serait salutaire que tout le monde bouge et que l’on parle d’une même voix, il est vital de réagir si on veut continuer à vivre. Nous sommes dans une crise qui est de nature purement financière, tout le monde doit jouer le jeu et se mettre autour de la table. »
Francis Cypres, Cypres Hygiene, groupement Equipage
« A ce jour nous n’avons eu aucune communication de la part de nos fournisseurs, mais nous sommes au courant de l augmentation de prix de la pâte vierge. La ouate est un sujet très sensible pour la distribution, car nous sommes sur un terrain très concurrentiel avec une forte pression sur les prix. A ce stade je vois mal comment nous pourrions répercuter cette hausse à nos clients finaux. »
Frédéric Miramont, Directeur commercial, Papeco
« Il n’y a pas vraiment de solution de repli. Compte tenu de ce montant de hausse de la matière première, le prix des produits finis devra progresser d’au moins 10% si les industriels veulent conserver leurs marges. Le choc a été très brutal, et l’inquiétude est d’autant plus grande que le prix de la matière première, en dollars, n’est pas aujourd’hui très élevé. Si une hausse du prix de la pâte vierge venait s’ajouter à la conjoncture défavorable actuelle, les choses se compliqueraient encore. Il n’y a pas d’autres solutions que de répercuter cette hausse au distributeur. Les distributeurs l’ont compris. Certains travaillent en bonne intelligence avec les papetiers, mais d’autres préfèrent, pour le moment, garder la tête dans le sable car la course aux prix les plus bas est encore très pratiquée »
Thomas Leizorovicz, Responsable marketing, groupe Hygial
« Une réévaluation des prix en cours d’année remettrait en question les accords passés avec nos fournisseurs. D’autant plus que nous venons déjà d’enregistrer au 1er avril une hausse très sensible des produits à usage unique importés, comme les gants, mais aussi sur le non-tissé et le petit matériel »
Alessandro Pasquini, Président, Novatissue sas
« Cette hausse est très brutale et ne pourra pas être absorbée par les seuls industriels, même si chacun va s’employer à optimiser ses coûts de production. En ce qui nous concerne, sur le marché français notamment, nous avons la chance d’être sur le segment des produits à base de pâte recyclée, ou de fibres issues du traitement des briques alimentaires avec notre gamme EcoNatural. Nous avons aussi enregistré une hausse de l’ordre de 15% sur les fibres recyclées l’été dernier, ce qui avait réduit considérablement le différentiel de prix avec les produits issus de pâte vierge. Cette crise va rétablir un différentiel plus important en faveur du recyclé et profiter à ces produits qui connaissent de toute façon un regain d’intérêt auprès des professionnels. »