Les robots à l’assaut du marché de la propreté ?
Les robots sont là, ou presque, en attente d’un marché qui commence à se dessiner. Plus qu’une invasion massive, les spécialistes voient se profiler l’arrivée de matériels adaptés des travaux dangereux, pénibles ou très répétitifs. Les industriels n’attendent qu’un signal positif pour ouvrir leurs cartons. La technologie est au rendez-vous, les prix revus à la baisse et les besoins bien réels.
Il y a plus de 20 ans, trois ingénieurs issus du très fameux MIT (Massachussets Institute of Technology) s’unissaient pour créer ce qui est devenu aujourd’hui Irobot, le leader mondial du secteur, qui réalise un tiers de son chiffre d’affaires avec son robot aspirateur. Plus de 5 millions de machines de la gamme Roomba sont aujourd’hui en service et l’entreprise vient de lancer un nouvel appareil, le Scooba, spécialisé dans le lavage et le nettoyage des sols. Ces innovations sont directement nées, en 1997, de la recherche autour d’un robot professionnel, l’Autocleaner, développé pour la société SC Johnson Wax. Rien n’empêche donc le géant du secteur de revenir, demain, sur le marché professionnel de la même façon. La demande existe, les principaux freins technologiques sont levés et les grands fabricants de machines sont dans les starting-blocks.
Les robots ne sont toutefois pas des inconnus dans le secteur du nettoyage. Les professionnels se souviennent sans doute des évolutions d’un automate sur les quais du métro il y a quelques années, du modèle proposé par Kärcher lors d’un salon ou encore de l’intérêt de GSF pour une autolaveuse totalement autonome, développé par la société française Robosoft, une entreprise basée à Bidart, au pays basque, qui s’intéresse toujours au secteur de la propreté (voir encadré) et qui compte un représentant de GSF dans son conseil d’administration. La question n’est pas de savoir si les entreprises de propreté (et leurs donneurs d’ordres) vont s’équiper de robots de nettoyage et d’aspiration, la question est de savoir de quelle façon et dans quel but. L’image d’une batterie de robots façon « Temps modernes » ou « Metropolis » remplaçant les femmes et les hommes chargés aujourd’hui de la propreté n’est ni réaliste, ni souhaitable, bien entendu. En revanche, une robotisation de certaines tâches pénibles ou dangereuses (environnements à risques, travaux en hauteur…) est fortement envisagée, voire déjà mise en œuvre
Il y a 15 ans déjà
« Aujourd’hui nous observons deux secteurs dans lesquels la robotisation se développe de façon très importante et rapide. Il s’agit d’une part du monde médical, en particulier aux États-Unis, et d’autre part de toutes les applications liées au transport. Rien n’empêche d’imaginer que dans ce deuxième cas de figure nous trouvions un jour des robots qui assurent la manutention et en profitent simultanément pour nettoyer les surfaces», s’interroge Gilles Troff, chef de produit autolaveuses au niveau mondial pour  Kärcher.
Le groupe allemand a été l’un des premiers industriel du secteur à proposer une autolaveuse robotisée il y a déjà plus de 15 ans. D’autres industriels du secteur ont eux aussi développé des systèmes de nettoyage automatisés. « Nous avons vendu une dizaine d’exemplaires de ces machines, puis, comme nos concurrents, nous avons arrêté la production.
Les contraintes techniques étaient trop fortes et la commercialisation pas envisageable sur une grande échelle. Aujourd’hui les freins technologiques sont levés, ne serait-ce que parce que l’on dispose d’ordinateurs dont la puissance a été multipliée par 100 en quelques années.
Un des principes de base d’un robot de nettoyage est d’être capable de mémoriser les espaces et de se souvenir précisément où il est passé. C’est cette capacité qui faisait défaut lors des premiers développements », poursuit Gilles Troff.
Un coût raisonnable
Ces machines, entièrement autonomes, sur lesquelles travaille l’ensemble des grands constructeurs mondiaux, se déclinent toujours sur la base d’une laveuse classique (ou d’un aspirateur), la valeur ajoutée réside alors dans l’électronique et l’automatisation. Des capteurs et des calculateurs rendent alors le matériel, quel qu’il soit, totalement autonome. Certains de ces dispositifs (sensors) équipent déjà en option des autolaveuses du marché, permettant ainsi d’éviter les chocs dans un environnement très restreint ou en présence du public.
L’étape suivante a été franchie et des modèles devraient être commercialisés d’ici quelques années. Un grand pas a donc été accompli, à commencer par le prix de ces futures machines. « Lors des premiers tests de robots, les prix étaient multipliés par 2,5 par rapport à une laveuse accompagnée, aujourd’hui le ratio est bien différent, nous devrions être capables de proposer ces équipements à un coût supplémentaire raisonnable, ce qui est économiquement beaucoup plus acceptable ! ». Ce différentiel de prix sera-t-il très vite compensé par des gains de productivité et le remplacement de l’Homme par la machine ? « La question ne se pose pas vraiment dans ces termes-là, car il faudra toujours un opérateur pour contrôler et superviser le travail.
Du point de vue de la sécurité, dans les lieux publics par exemple, la machine ne sera pas autorisée à fonctionner toute seule, de même on ne peut pas imaginer la laisser travailler la nuit dans certains sites sous alarme avec détection de mouvement. L’arrivée des robots fera évoluer le métier c’est évident, un dialogue doit se mettre en place avec les clients et les prestataires en fonction des besoins et de la configuration des locaux à nettoyer », complète Gilles Troff.
Un enjeu de prestige
Ces technologies, proches de celles utilisées pour les aspirateurs robots grand public ou les tondeuses à gazon automatisées, pourraient aussi être mises en œuvre sur des balayeuses de voirie ou de trottoirs. Cependant, à ce jour la précision des GPS ne permet pas d’obtenir une localisation et un guidage assez fin de l’engin. Se pose aussi la question d’un point de vue légal et en termes de sécurité, d’un robot sur l’espace public. Des questions restent encore en suspens, mais la tendance est de toute façon bien installée. « Pour les clients professionnels, il y a derrière l’utilisation des robots un enjeu en termes de prestige et d’image. Mais se profile aussi une justification très légitime dans les secteurs à risque. Je pense par exemple au nucléaire. Des petits robots grand public, très basiques, sont déjà employés dans certaines zones dans lesquelles la présence d’un opérateur serait trop contraignante ou risquée. En fin de vie, le robot aspirateur est traité comme un matériel contaminé et éliminé. Dans l’industrie d’autres niches vont aussi voir le jour », conclut le représentant de Kärcher.
La pyramide du Louvre aux bons soins du robot
l’ensemble des vitres extérieures de la pyramide du Louvre sont nettoyées mensuellement, par un robot développé par la société Robosoft et piloté par Quyen Do un de ses techniciens, pour le compte de Challancin. La machine (60 kg environ), qui est entièrement autonome et intervient deux jours par mois, est maintenue sur la paroi à l’aide de ventouse et se déplace grâce à un système de chenilles. Un camion assure la fourniture d’eau distillée et de produits et garantit grâce à des pompes, la pression. Dans sa phase d’ascension le robot nettoie la paroi à l’aide de brosses, quand il redescend un dispositif d’essuie-glace permet le séchage. « Il s’agit d’un prototype développé uniquement pour ce site. Aujourd’hui nous travaillons sur une nouvelle génération de machines. Le design et le poids sont améliorés », note le représentant de Robosoft. Le nombre de ces robots « sur-mesure » qui se comptent encore aujourd’hui sur les doigts d’une main, devrait se multiplier dans les années à venir et voir leur prix baisser de façon très sensible. Selon les spécificités requises un prototype coûte aujourd’hui entre 300 et 500 k€.